de laisser la reine en ce lieu, je croyais encore lui parler. Pardonnez, excusez mon erreur.
Vous me demandez pardon de ce que vous m’avez donné le titre de majesté ! Pensez-vous donc que ce mot ait choqué mon oreille ? et ne voyez-vous pas que je vous dois plutôt des remercîments ? Où est, je vous prie, l’offense ? — Plût au ciel, seigneur cardinal, qu’à chaque instant vous commissiez la même erreur, et qu’à chaque instant je l’entendisse ! Plût au ciel, enfin, que je pusse m’entendre donner ce titre, non plus par inadvertance, mais comme m’appartenant légitimement, dussé-je payer un tel honneur de ma vie ! Quelle femme pourrait se fâcher de ce qu’on lui donne un titre si beau et si doux ? — Hélas !
Je puis continuer. (Haut.) Vous avez bien raison, madame, touchant le pardon que je sollicitais… Je pourrais moi-même vous dire bien des choses sur le mot qui m’est échappé, et qui, peut-être, n’était pas tout à fait irréfléchi. Mais ce ne serait pas sans danger, et il vaut mieux se taire… J’ajouterai seulement qu’un sujet si délicat ne doit pas être ainsi traité en passant. — Le ciel vous garde ! Adieu.
Non, non ! nous sommes seuls, et je ne vous laisse pas sortir que vous ne m’ayez confié tout ce que vous pensez.
Mais ce secret, vous, femme, vous saurez le garder ?
Par le ciel ! ce sera le secret de la tombe.
Et au besoin le courage ne vous manquera pas ?
Je vous le répète, vous trouverez tout en moi : silence et courage… car rien ne peut m’effrayer, ni le ciel avec ses châtiments, ni l’enfer avec ses horreurs.
Eh bien ! alors vous serez ma reine. Oui, j’espère vous couronner en Angleterre, si d’abord vous m’engagez votre foi de n’être point ingrate. Car je crains qu’une femme ne cause ma ruine ; et pour cela je m’efforce de me les rendre amies. L’empire du monde appartient à la prudence.
Puisqu’il en est ainsi, je vous promets sous le serment le plus solennel de seconder vos vues.
Et comment ?