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LE SCHISME D’ANGLETERRE.

marguerite, à la Reine.

Quelqu’un vient.

la reine.

Abaisse ton voile sur ton visage.

marguerite.

C’est, je crois, Wolsey.

la reine.

Je ne m’explique pas sa venue en ce lieu. Je serais curieuse d’en savoir le motif.

wolsey.

Belles villageoises, si votre cœur est aussi généreux que votre voix est douce à l’oreille, secourez, je vous prie, un vieillard bien pauvre et bien à plaindre. Je viens aujourd’hui demander l’aumône, moi qui pouvais hier la donner aux autres. Je suis un assemblage de confuses énigmes. Je suis tel que de moi l’on pourrait aussi chanter :

Car hier on admirait mon éclat,
Et aujourd’hui je ne suis que l’ombre de moi-même.

la reine.

Ne te trahis point, Marguerite. (À Wolsey.) Qui a causé votre ruine ?

wolsey.

Une ingrate.

marguerite, à part.

Il devait périr par l’ingratitude.

la reine.

Pour qu’une femme ait travaillé à vous nuire, à vous dépouiller de vos biens, — il a fallu qu’elle ait eu à se plaindre de vous.

wolsey.

Au contraire ; Dieu me châtie, je pense, de ce que j’ai trop fait pour elle.

la reine.

Vous auriez dû vous attacher à des personnes qui vous en auraient été reconnaissantes.

wolsey.

Je crains au contraire que si j’eusse servi une autre personne, au lieu d’avoir un ennemi je m’en serais fait deux.

la reine.

Êtes-vous réduit à la misère ?

wolsey.

Que vous dirai-je ? Je suis obligé d’avoir recours à la pitié d’autrui, ce qui est le comble de l’abaissement.

la reine.

Vous avez trouvé en moi votre remède, et moi j’ai trouvé en vous mon soulagement, puisque j’ai vu un homme si malheureux qu’il a besoin de mon secours.