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LE SECRET À HAUTE VOIX.

laura.

Que je vous appartiens, et que je suis tout entière à votre service.

la duchesse, à Flora.

Laissez-nous seules. (Flora sort.) Maintenant, Laura, écoutez. J’ai appris, — je ne sais comment vous dire cela, — j’ai appris qu’un cavalier de cette cour avait reçu une lettre par laquelle une dame lui donnait rendez-vous pour cette nuit.

laura, à part.

Qu’entends-je ?

la duchesse.

Pour le cavalier, je le connais ; mais je ne sais pas qui est la dame.

laura, à part.

Tant mieux !

la duchesse.

Or, je tiens à savoir laquelle de mes dames osera parler la nuit à un cavalier par les fenêtres qui donnent sur la terrasse, manquant ainsi à ce qu’elle me doit, et à ce qu’elle doit au palais que j’habite.

laura.

Vous ferez bien, madame… car, en effet, ce dessein est bien hardi.

la duchesse.

Il ne serait ni convenable ni décent que j’allasse moi-même me tenir sur la terrasse. Ainsi donc, belle Laura, comme, en pensant à toutes mes dames, vous êtes la seule sur qui je n’aie pas arrêté un instant le plus léger soupçon, c’est à vous que je me confie.

laura.

Que demandez vous ?

la duchesse.

Je désire que cette nuit, à toute heure, à tout moment, vous descendiez au jardin, comme une sentinelle diligente veillant pour mon honneur, que vous tâchiez de reconnaître quelle est la dame qui l’outrage. — Et ne croyez point. Laura, que je sois seulement animée du désir de maintenir les bienséances ; je veux aussi, je veux surtout connaître qui est la dame qui favorise Frédéric… Imprudente ! je l’ai nommé. Peu importe… voilà, ma cousine, le service que j’attends de vous.

laura.

Il vous suffit d’ordonner. Avec le désir que j’ai de vous complaire en tout et de faire quelque chose qui vous soit agréable, ce ne serait pas assez pour moi de descendre mille fois au jardin ; je veux m’y tenir toute la nuit, et je serai contente en me disant que c’est pour votre service.