Étant ce que vous êtes, généreux et noble, vous deviez votre appui à une femme infortunée ; et pour que vous puissiez voir, don Juan, quelle confiance votre bonté m’inspire, — permettez, puisqu’il m’est impossible de surmonter ma peine, permettez que je m’éloigne de votre présence. Vous montrer ma douleur, ce serait manquer à tout ce que je vous dois ; et si je pleure, ce ne doit pas être en votre présence.
Il avait bien raison, ce sage qui disait qu’il n’existe point de différence entre souffrir et voir souffrir ! Cependant je devais dire à Léonor que don Carlos était parti, bien qu’il soit enfermé dans ce cabinet : car il est essentiel pour tous deux qu’on ne connaisse pas sa retraite, et nul ne garde mieux un secret que celui qui l’ignore. D’ailleurs, le père de Léonor étant ici, ce parti est le meilleur pour tout le monde. (Il frappe à une porte.) Carlos ?
Êtes-vous seul ?
Sans doute. Je ne serais pas venu ici avec du monde.
Avez-vous parlé à Léonor ?
Oui, et sa douleur, ses larmes m’ont paru une garantie suffisante de son amour et de sa vertu. Quand je lui ai annoncé votre départ, elle a montré une affliction si vive, si bien sentie, qu’elle m’a persuadé, malgré les indices contraires, qu’elle n’a jamais été coupable.
Cela, je me le suis dit comme vous. Cependant quelque désir que j’aie de la savoir innocente, dois-je le croire avant d’en avoir la preuve, la preuve évidente ?
Je ne dis pas cela.
Il est donc inutile d’en parler ; car la jalousie finirait toujours par dissiper les impressions trop favorables de l’amour. Lui avez-vous annoncé l’arrivée de son père à Valence ?
Non, c’eût été cruel d’ajouter ce nouveau chagrin à tous ses ennuis.
Vous avez bien fait, don Juan. Et quels ordres avez-vous donnés à Fabio ?