Kenevo. Donnez-moi de vos nouvelles. Toute lettre, à la guerre, fait du bien. Souvenez-vous en parfois pour moi.
D’oh a greis kalon é Doué ha Breiz[1].
P. S. – « Ar henteu er brezél ». C’est un petit carnet de notes en breton de Vannes que je fabrique à mes heures de loisir. Encore quelque chose qui vous reviendra, si je dégringole. Ce sera à ajouter à mon petit livre.
Votre lettre n’a fait que me donner plus de regrets encore de n’avoir pu causer avec vous, soit à Lorient, soit à Nantes. Fasse Dieu que l’occasion se représente, je vous assure que je la saisirai avec joie par la crinière. Et si je reviens de cette guerre, on tâchera de vous redonner des foules à remuer. Nous en reparlerons. Votre âge ne fera que vous donner plus d’autorité.
La Bretagne d’après la guerre ne sera pas tout à fait la même qu’avant. Il y a un fait nouveau. Notre peuple a pris conscience de sa valeur ; il est redevenu fier d’être Breton. Croyez-en un témoin. Avant d’aller au front j’étais parmi les marins et les paysans du Vannetais ; ici, dans la tranchée, mes gars sont tous de Cornouailles. Partout j’ai recueilli la même impression réconfortante pour nos cœurs de patriotes. Le sentiment national est réveillé. À nous de souffler dans ce foyer, d’alimenter cette flamme. Fécondée par le sang et les larmes notre terre est bonne pour les bonnes semences. Si les semeurs le veulent, la moisson sera merveilleuse.
- ↑ À vous du fond du cœur en Dieu et en la Bretagne.