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Page:Calmettes - Leconte de Lisle et ses amis, 1902.djvu/120

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uniquement ceint d’une robe de lumière ? Un tel fervent d’idéalisme leur apparaissait comme une sorte de prophète sottement attardé, d’hiérophante jaloux, gardant stupidement le feu sacré dans le secret du tabernacle et célébrant pour lui seul les mystères de la Beauté révélée. Trois ou quatre fois par an, ils ne manquaient pas de le viser, trois ou quatre fois seulement, car il ne leur semblait pas valoir le surplus des flèches dont on l’eut accablé. À ceux qui voudraient connaître le genre de traits habituellement décochés, je rappellerai que la même église figariste jugeait fort drolatique de désigner Catulle Mendès sous les sobriquets Canule ou Capsule, ce qui suffit à donner la mesure intellectuelle d’une époque, à propos de laquelle un chroniqueur n’a pas craint d’affirmer récemment que jamais on n’avait dépensé tant d’esprit : l’esprit du Pied qui remue ou C’est dans le nez que ça m’chatouille, esprit de gamins parisiens qui, par des extravagances insanes, se détendent des rigueurs de la férule et dont le délire stupidement communicalif s’est propagé jusqu’à notre temps.

Pourtant, comme l’ancien Figaro, grâce à son nouvellisme boulevardier, était le seul journal qui, sous l’étiquette littéraire, réussit à se vendre et comme il était aussi le seul journal par la voix duquel les auteurs nouveaux pouvaient promptement arriver à la réputation, il fallait bien en tenir compte ; Leconte de Lisle en supportait les attaques avec d’autant plus de malaise qu’elles étaient plus ridiculisantes et que par là même il les sentait plus aptes à gagner la faveur de l’« ignare public », D’ailleurs n’était-il pas de la race des poètes jusque dans leur susceptibilité qu’irrite aisément la moindre piqûre ? Et ce qui pouvait porter au comble son impatience, c’était l’inconscience d’art avec laquelle les dispensateurs de renommée figariste célébraient à grands coups de cimbale le soi-disant génie poétique des petits amis de l’Empire, rimeurs pour dames et cocodettes, Alphonse Daudet