Page:Calmettes - Leconte de Lisle et ses amis, 1902.djvu/148

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ment public, oubliant volontiers les vrais aspects des hommes ou des choses pour les embellir de ses propres illusions, et doué d’un grand courage, qu’il exaltait selon les besoins de bataille, sans cesse prêt à soutenir avec le fil acéré d’une épée la pointe mordante de ses discours, Mendès était très capable d’exercer, comme champion d’une gloire à soutenir, une action efficace, et d’autant mieux qu’il allait avoir pour second Jean Marras.

C’est un aphorisme communément accepté que l’orgueil de l’esprit est le pire des orgueils ; mais ce même orgueil qui poussait Mendès à se draper en contempteur des conventions morales incita Marras à s’abriter sous le manteau contraire. Marras est de ceux qui se préparent dès leur enfance et s’appliquent jusque dans leur vieillesse à se garder l’apparence de n’avoir jamais tort. Dès l’âge de quatorze ans, il contribuait par son travail de jour à la vie de famille et, le soir, afin d’être intellectuellement un fort, il allait lire, à la bibliothèque de la ville le Contrat social, la Théorie de la Terre de Buffon, le Novum organum de Bacon. Plus tard, employé dans les Assurances maritimes, il se fit coter par son aptitude à mettre debout des règlements qui se traduisaient par des tableaux de chiffres en vingt-cinq colonnes. Et, qu’il ait consacré ses heures à l’administration, à la politique, à la littérature, Jean Marras s’est constamment préoccupé d’être l’esprit droit qui se raidit dans l’absolu de ses pensées. Ses ennemis ont pu l’écarter des groupements de partis en le représentant comme un indiscipliné qui ne saurait jamais prendre le pas et suivre dans le rang ; les politiques ont pu mettre en avant ce prétexte pour le renvoyer aux poètes, les poètes aux politiques, Jean Marras n’a jamais rien abdiqué. Dans le temps de sa pleine vigueur, il était l’âme tendue qui casse, mais ne plie pas.

Sitôt à Paris, il retrouva Bénassit qu’il avait eu pour camarade d’école à Bordeaux et dont une sœur, ainsi