Page:Calmettes - Leconte de Lisle et ses amis, 1902.djvu/275

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vallons. Les orages sont si rares que le seul dont le souvenir soit resté dans la mémoire des hommes est celui qui, le 4 mai 1821, au cours d’une effroyable nuit, salua du fracas de la foudre les derniers râles de Napoléon. Sauf de petites espèces (et symboliquement on cite les abeilles) qui n’ont pu s’acclimater, tout, faune et flore des quatre continents, vit et prospère sous ce ciel que les souffles alizés et le courant antarctique tempèrent en dépit de la zone torride. Et Bermudez, l’étincelant Bermudez, éclatait en saillies tumultueuses quand Leconte de Lisle, fidèle à la vision d’autrefois, persistait à considérer Sainte-Hélène comme un bloc de lave et s’en autorisait pour réduire à néant ces vers de Lamartine :


Sur un écueil battu par la vague plaintive,
Le nautonier de loin voit blanchir sur la rive
Un tombeau près du bord par les flots déposé ;
Le Temps n’a pas encor bruni l’étroite pierre.
Et, sous le vert tissu de la ronce et du lierre,
               On distingue… un sceptre brisé !


Du lierre à Sainte-Hélène ! s’écriait Leconte de Lisle, qui donnait ainsi le signal du déchaînement oratoire auquel se livrait aussitôt Bermudez. Comment pas de lierre, mon cher de Lisle ? Bien au contraire ; le lierre et le vert feuillage lamartiniens peignent banalement peut-être, mais exactement l’aspect le plus général de l’île qui, lorsqu’elle fut découverte tout au début du seizième siècle surgissait en une masse de verdure, sombre forêt d’ébéniers mêlés de lianes, que la colonisation a défrichée pour y développer la luxuriante culture de toutes les essences d’Europe.

Sans doute Sainte-Hélène est couronnée par un pic de laves, le pic de Diane ; sans doute certaines de ses côtes sont battues par le vent, et la vieille ferme de Longwood, où fut interné Napoléon, occupait les hauteurs d’un plateau mal exposé ; mais cela n’empêche