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Page:Calmettes - Leconte de Lisle et ses amis, 1902.djvu/279

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XV



Les habiles au jeu de la parole qui discutent, raisonnent ou simplement racontent dans le ton juste d’un salon, sont rares. Sans compter tous les littérateurs qui, comme George Sand le disait d’elle-même, n’ont d’esprit que la plume à la main, combien parmi ceux qui seraient aptes à prendre une part suffisamment active à la conversation s’en abstiennent, soit qu’ils se sentent trop effacés pour être sûrs de vibrer à l’unisson, soit qu’ils ne reçoivent pas les encouragements d’estime et de déférente attention dont ils se croient dignes.

Sully-Prudhomme, qui fréquenta le salon de Leconte de Lisle peu de temps après qu’y parut le premier groupe de la jeunesse, s’y fit hautement apprécier par son affabilité, sa douceur et la réserve polie de son caractère. On aimait l’entendre dire ses vers, de sa voix demi grave, aux sonorités un peu lointaines, dont les intonations lentes et chantantes s’alliaient avec son geste modéré mais mimique, geste d’un auteur qui tout à la fois cède au désir de marquer le rythme, de scander en mouvement le sens, et pourtant reste soumis au besoin d’équilibre qui le restreint. Et, de la même façon qu’il récitait ses poèmes, Sully-Prudhomme développait ses pensées en périodes didactiques et mesurées, qui manquaient d’éclat dans un milieu de combat. N’eut-il pas tout le succès que ses débuts distingués semblaient lui garan-