Page:Calmettes - Leconte de Lisle et ses amis, 1902.djvu/330

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Vers le même temps Albert Wolff, « l’ignoble Wolff » comme on disait autour du maître, vint avec une autre personnalité de la rédaction lui faire une visite d’amende honorable. N’étant pas homme à bouder la presse, Victor Hugo prit acte des excuses et remit ses vers en portefeuille. Heureux d’être en politesse avec un Albert Wolff, comment n’eût-il pas fait, à regard de Leconte de Lisle, un égal sacrifice à son goût pour les relations d’affabilité réciproque.

Tout d’abord il ne s’était pas privé du plaisir de rendre les impertinences, qu’il réadressait indirectement comme il les recevait. Il avait à dîner quelques Parnassiens, Léon Dierx, Jean Marras, Judith Gautier, un an ou deux après que Leconte de Lisle eut publié la traduction des œuvres complètes d’Eschyle. Profitant d’un silence, à table, après le potage, il dit : « Je consacre toutes mes matinées à revoir les grands poètes grecs. J’ai passé celle d’aujourd’hui dans la lecture d’Eschyle qui n’a jamais été traduit en français. » Puis il souligna son insinuation par des regards que les Parnassiens s’abstinrent naturellement de relever.

Cependant Leconte de Lisle fit son acte de contrition qu’il affirma par une visite. Politesse pour politesse, une invitation à dîner répondit à cette avance, dont on évita de part et d’autre de rendre trop évident le caractère de tardive réparation. Mme Leconte de Lisle, les quelques Parnassiens habitués de la maison furent également priés. Ils arrivèrent rue de Clichy bien avant Victor Hugo qui, ne devant jamais attendre, apparaissait au dernier instant. Vacquerie, Meurice étaient là. Leconte de Lisle avait serré la main de Vacquerie, qu’il connaissait ; mais Meurice gardait cette apparence de froide réserve derrière laquelle certains esprits avisés et prudents dissimulent leur qualité d’intelligence moyenne qui ne gagnerait pas à se montrer. Glacé par cette attitude, le vis-à-vis sentait le gel ; quelques paroles essayaient de