Aller au contenu

Page:Calmettes - Leconte de Lisle et ses amis, 1902.djvu/43

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

furent vite dévorés, et le Club des clubs dut abandonner ses délégués à leurs propres ressources. Or celles de Leconte de Lisle, à peu près nulles pour lui même, l’étaient absolument pour les âpres et miséreux Bretons. Sans argent, sans crédit, disons aussi sans ces facultés pratiques qui savent s’élever au-dessus des plus difficiles conjonctures, il ne réussit qu’à se faire reconduire à coups de pierres par les bonnes gens de Dinan, après avoir suscité de détestables élections.

Quant à Louis Ménard, démocrate pacifique, il se contenta de servir avec sa plume les intérêts de la République. Il écrivit dans le Peuple une série de feuilletons mêlés vers et prose et consacrés aux événements qui marquèrent le grand pas en avant pendant les premiers mois de 1848. Pourtant, le 23 juin, il parut avec Leconte de Lisle autour des barricades. Tous deux, hommes de second plan dans l’action, bornèrent leur rôle à porter aux insurgés la formule du coton-poudre récemment découverte, mais inutilisable faute de temps.

D’ailleurs, en cette première journée, le caractère de l’émeute n’était pas précisé. Les uns affirmaient qu’elle était provoquée par les bonapartistes profitant de la suppression des Ateliers nationaux pour monter un coup de leur façon ; les autres, qu’elle était véritablement l’expression de la colère du peuple. De peur de servir une cause qui ne fût pas la leur, après avoir erré de barricade en barricade, Leconte de Lisle et Ménard rentrèrent chacun chez soi, puis, le lendemain matin, se retrouvèrent à l’atelier de leur ami, le peintre Jobbé-Duval. Très exalté comme eux, mais se dépensant surtout en paroles, Jobbé les décida sans la moindre peine à rester séparés du mouvement. En une lettre écrite quelques mois plus tard, Leconte de Lisle regrettera « cette lâche abstention » ; mais il n’en sera pas plus ardent pour se mêlera la tentative insurrectionnelle du 13 juin 1849. L’insuccès de sa