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VIE DE MÉLANIE

pâturage où j’avais laissé l’autre et les chèvres pour ramener toutes mes bêtes chez mes patrons.

L’heure de se mettre au lit étant venue, la fille me dit : « Si ce n’est pas par caprice que vous refusiez de vous coucher quand il y avait mon frère, il n’y est pas ce soir, venez vous mettre au lit. » Je ne répondis rien ; je faisais un peu de prière. En vérité j’avais quand même une grande répugnance à me mettre dans ce lit ; j’hésitais beaucoup, je pensais à ce que m’avait dit mon très-aimé Frère. Enfin mon patron d’une voix rauque m’ordonna de me mettre au lit : j’obéis avec tremblement ; et le jeune homme ne vint pas ou ne vint plus. Quoique je ne fusse qu’avec cette fille, je ne pouvais dormir ; je me sentais mal à mon aise sans en savoir la raison ; j’étais pourtant accablée de sommeil, je dormais debout et parfois je tombais comme un plomb. Je considérai alors les affreuses souffrances des saints martyrs qu’on a fait mourir en les empêchant de dormir. Mon Frère bien-aimé m’avait raconté ces choses, il m’avait dit que ces saints devaient se tenir debout jour et nuit, et que lorsqu’ils chancelaient par la lourdeur du sommeil on les piquait avec des lames rougies au