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la joie de l’amour, elle ferait souffrir le frère du conquérant de sa patrie. Alilat voulait cet adultère triomphant, elle attendait le soir propice où elle baiserait sa vengeance sur la bouche, et elle aimait éperdument Sparyanthis parce que son désir se contenterait en le faisant souffrir. Elle ne se hâtait point de le voir, certaine de la marche, en lui, du poison que son audacieuse parole avait versé. Exécré comme fils d’une race usurpatrice et frère de la brute armée dont elle subissait l’étreinte, Sparyanthis, dans l’amour d’Alilat, s’identifiait à la vengeance espérée, adorée, mûrie comme un fruit aux profondeurs de son âme ardente, et elle sentait qu’à lui elle se donnerait sincèrement et toute, comme à la vengeance elle-même que sa défaite de frère incarnerait. En même temps elle laissait parler en elle sa soif de cette beauté tendre et curieuse, assouplie dans les baumes de la volupté, rare et passive, à qui le remords donnait une saveur nouvelle, et dont le caractère efféminé plaisait à son énergie de femme pensive, révoltée du mâle.

L’instant vint où Sparyanthis ne résista plus à la force du destin.

Ce fut dans un chaud crépuscule où, triste, il s’était rendu seul auprès d’un large étang où, du sein d’une architecture de pierre, s’élançaient sept jets d’eau, invention merveilleuse qu’un prisonnier syrien avait jadis installée dans le jardin royal. Ces jets d’eau étaient