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LES BELLINI.

léger embonpoint que procure à l’Italienne une maternité précoce. C’est une belle femme, comme les saints sont de beaux hommes nettement individualisés, comme les anges sont de beaux enfants. Ce n’est plus la divinité que glorifient exclusivement ces œuvres, mais une humanité saine, austère et souriante. L’enfant lève en vain les yeux vers le ciel, saint François montre en vain ses stigmates (San Giobbe), le mystère n’est plus là. Et dix ans se passeront pourtant encore avant que Gentile conte les miracles de la Sainte-Croix !

Dans la Vierge de Murano (1488), la sainte Conversation est encore plus intime. La scène se passe sur une haute terrasse, devant un admirable paysage de bois et de collines. Tous les personnages sont bien de ce monde. Le doge est plus qu’un donateur ; il occupe le centre du tableau et l’Enfant et la Vierge se tournent vers lui pour le bénir. Aux Frari, on croit, à première vue, retrouver un triptyque vivarinesque. En fait, les pilastres du cadre intérieur sont en relief au lieu d’être peints. L’atmosphère reste la même, mais la minutie d’exécution et la richesse du coloris donnent à cette œuvre un éclat incomparable. Dürer n’a pas dédaigné de s’en inspirer dans ses Apôtres de Munich.

Nous savons, par les copies et les répliques qui sont parvenues jusqu’à nous, que Giovanni exécuta, vers cette époque, quelques tableaux d’autel de moindres dimensions, dont les personnages étaient représentés en demi-figure : Présentation au Temple, Circoncision, Mise au Tombeau. Les seules œuvres de ce genre qui nous restent sont la