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LES BELLINI.

fleuries auxquelles tant d’auteurs se sont livrés au sujet de la « lumière vénitienne ». À les entendre, Bellini, Giorgione, Palma et Titien n’auraient fait que transporter sur leurs toiles cet éclat précieux, cette lumière chaude et vibrante qui baigne, par les soirs d’été, les marbres de la ville et les voiles de la lagune.

Jacobello del Fiore pourtant ne l’a pas vu, Canaletto non plus ; Naples reste ignorante et l’Espagne rétive. Et c’est dans les brumes des Flandres qu’il faut chercher l’or de son dernier reflet.

Le soleil ne brille pas du même éclat sur le beffroi de Bruges et sur les coupoles de Saint-Marc, mais la peinture flamande offre la même exubérance, le même amour du luxe, la même glorification de la vie pour elle-même, le même triomphe de la couleur. Si Bruges est la « Venise du Nord », Venise représente la « Flandre italienne ». Elle allie, dans une certaine mesure, l’harmonie des compositions méridionales à la technique minutieuse et au coloris profond du Nord. Elle occupe, en Europe, une situation particulière, au confluent des génies latin et germanique, au point de rencontre de l’esprit mondain et de l’esprit religieux, au centre de la Méditerranée, au carrefour des grandes routes commerciales qui, par les cols des Alpes, rayonnent vers l’Autriche, vers le Rhin, vers la France. Son art reflète toutes ces influences. C’est un miroir dans lequel chacun peut reconnaître quelque Irait de son esprit et de sa race.