Page:Cammaerts - Les Bellini, Laurens.djvu/23

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
19
LES BELLINI.

recouvert aujourd’hui par le Paradis du Tintoret. Si les fresques du chœur des Eremitani, à Padoue, peuvent lui être attribuées, Guariento n’est qu’un giottesque de second ordre ; il n’a rien ajoute aux formules du maître et il a perdu sa fraîcheur d’inspiration et sa délicatesse de coloris. Pourtant l’admiration que provoqua son œuvre à Venise fut si considérable que, plus de cinquante ans plus tard, Jacobello del Fiore ne crut pas déchoir en la reproduisant, et qu’en 1448, elle inspira encore l’art d’un maître de la valeur d’Antonio da Murano [1].

Lorsque, vers 1410-1419, l’Ombrien Gentile da Fabriano et le Véronais Pisanello sont, à leur tour, conviés par la République à achever la décoration de la salle du Grand Conseil, la situation de la peinture vénitienne ne s’est guère améliorée. Certes, les tableaux d’autel de Niccolo Semitecolo et surtout l’Annonciation de Lorenzo Veneziano (Académie de Venise) révèlent, à la fin du xive siècle, des traces indiscutables d’influences giottesques. Les visages se détendent, les draperies se libèrent. On sent que Venise n’est plus complètement isolée de Padoue et surtout de Vérone, où Altichieri da Zevio et Jacopo d’Avanzo développent si heureusement la formule du maître. Mais les chairs conservent leur teinte olivâtre, l’anatomie des pieds et des mains est rudimentaire, le geste est gauche et le sentiment dramatique fait totalement défaut.

En somme, au point de vue de la peinture, Venise reste

  1. Voir les Couronnements de la Vierge signés par ces maîtres à l’Académie de Venise.