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LES BELLINI.

-plan et où l’épisode burlesque d’un cavalier désarçonné occupe autant de place que le sujet principal. Mais le cadré ne déborde pas toujours ainsi sur l’œuvre. Si les proportions du sujet principal sont considérablement réduites, en raison du luxe de détails et de l’ampleur du décor architectural, il occupe presque toujours le point central de la composition et acquiert souvent, par le recul même de la perspective, un étrange relief (Louvre, nos 22 et 27). Ce qu’il y a précisément d’admirable, chez Jacopo, c’est que l’exubérance de son imagination s’associe à un sentiment religieux d’une palpitante sincérité, comme en témoignent ses charmantes Nativités (p. 13) et ses douloureuses illustrations de la Crucifixion et de la Mise au tombeau (Louvre, n° 54 — p. 21). La vie du Christ n’est pas pour lui un prétexte à incidents pittoresques. Elle se déroule tout naturellement dans le cadre mi-réel, mi-fantaisiste créé par son imagination naïve. La juxtaposition d’éléments disparates n’est pas ici un symptôme de vieillesse, mais de fraîcheur.

D’ailleurs, dans la plupart des cas, l’harmonie s’établit grâce au choix du sujet, l’Adoration des Mages — j’en compte quatre dans les deux recueils — introduit tout naturellement un brillant cortège princier ; Saint Georges — j’en compte sept — fournit un cavalier luttant contre un dragon (p. 25) ; Saint Eustache (deux), un épisode de chasse ; Saint Jérôme (quatre), une étude de lion et d’autres botes du désert ; Saint Sébastien, une étude de nu et le mouvement des archers ; Saint Christophe (quatre), un géant dans un paysage, etc…