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cette nouvelle nation se rédigeait à Paris, et tandis que la liberté, l’égalité, les droits de l’homme, faisaient le sujet des délibérations des Condorcet, des Bailly, des Mirabeau, etc., le ministre Ségur fit paraître l’édit du roi qui, en révoquant celui du 1er novembre 1750, déclarait inhabile pour parvenir au grade de capitaine, tout officier qui ne serait pas noble de quatre générations, et interdisait tous les grades militaires aux officiers roturiers, excepté à ceux qui étaient fils de chevaliers de Saint-Louis[1]. L’injustice et l’absurdité de cette loi furent sans doute une cause secondaire de la révolution. Il fallait tenir à cette classe honorable du tiers-état, pour connaître le désespoir ou plutôt le courroux qu’y porta cette loi. Les provinces de la France étaient remplies de familles roturières qui, depuis plusieurs siècles, vivaient en propriétaires sur leurs domaines et payaient la taille. Si ces particuliers avaient plusieurs fils, ils en plaçaient un au service du roi, un dans l’état ecclésiastique, un autre dans l’ordre de Malte,

  1. On lit à ce sujet, dans Chamfort, l’anecdote suivante, qu’il raconte avec sa causticité ordinaire : « M. de Ségur ayant publié une ordonnance qui obligeait à ne recevoir dans le corps de l’artillerie que des gentilshommes, et d’une autre part cette fonction n’admettant que des gens instruits, il arriva une chose plaisante, c’est que l’abbé Bossut, examinateur des élèves, ne donna d’attestation qu’à des roturiers, et Chérin qu’à des gentilshommes. Sur une centaine d’élèves, il n’y en eut que quatre ou cinq qui remplirent les deux conditions. »
    (Note de l’édit.)