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jets, et de placer plus haut le but de ses espérances, elle enviait à madame de Maintenon, parvenue au degré le plus élevé du pouvoir, non les succès de son ambitieuse hypocrisie, non ces grandeurs dont elle avait sitôt senti le vide et la lassitude, non l’honneur mystérieux d’un hymen royal et clandestin, mais la gloire d’avoir fondé Saint-Cyr.

On va voir bientôt que pour réaliser ses projets, madame Campan ne disposait ni de l’autorité, ni des trésors de Louis XIV. « Un mois après la chute de Robespierre, dit-elle dans un écrit du plus haut intérêt, je pensai qu’il fallait vivre et faire vivre une mère âgée de soixante-dix ans, mon mari malade, mon fils âgé de neuf ans, et une partie de ma famille ruinée. Je n’avais plus rien au monde qu’un assignat de 500 francs. J’avais signé pour trente mille francs de dettes pour mon mari. Je choisis Saint-Germain pour y établir une pension : cette ville ne me rappelait pas, comme Versailles, et les temps heureux et les premiers malheurs de la France, et m’éloignait de Paris où s’étaient passés nos horribles désastres, et où résidaient des gens que je ne voulais pas connaître. Je pris avec moi une religieuse de l’Enfant-Jésus, pour donner la garantie non douteuse de mes principes religieux[1]. Je n’avais pas le moyen de faire imprimer mon prospectus ; j’en écrivis cent, et les envoyai aux gens de ma connaissance qui avaient survécu à nos affreuses crises.

« Au bout d’un an j’avais soixante élèves ; bientôt

  1. La maison d’éducation de Saint-Germain fut la première dans laquelle on osa se permettre d’ouvrir un oratoire. Le directoire, mécontent, ordonna qu’il fût fermé sur-le-champ.