Page:Campan - Mémoires sur la vie privée de Marie-Antoinette, tome 1.djvu/320

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.

sage le plus respectable, ait jamais été entre mes mains. »

La reine faisant chaque mois des économies sur les fonds de sa cassette, et n’ayant pas dépensé les dons d’usage à l’époque de ses couches, possédait, par le fruit de ses propres épargnes, cinq à six cent mille francs. Elle employa donc une somme de deux à trois cent mille francs, que ses premières femmes envoyèrent à M. Lenoir, aux curés de Paris, de Versailles, aux sœurs hospitalières, et répandirent sur des familles indigentes.

La reine désirant placer dans le cœur de Madame, sa fille, non-seulement le désir de soulager l’infortune, mais les qualités nécessaires pour se bien acquitter de ce devoir sacré, quoiqu’elle fût encore bien jeune, l’occupait sans cesse des souffrances que le pauvre avait à subir pendant une saison si cruelle. La princesse avait déjà une somme de huit à dix mille francs pour ses charités, et la reine lui en fit distribuer elle-même une partie.

Voulant donner encore à ses enfans une leçon de bienfaisance, elle m’ordonna de faire apporter de Paris, comme les autres années, la veille du jour de l’an, tous les joujoux à la mode, et de les faire étaler dans son cabinet. Prenant alors ses enfans par la main, elle leur fit voir toutes les poupées, toutes les mécaniques qui y étaient rangées, et leur dit qu’elle avait eu le projet de leur donner de jolies étrennes ; mais que le froid rendait les pauvres si malheureux, que tout son argent avait été employé