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dans un rang moins élevé. Elle continua également à montrer, dans l’intérieur de sa cour, la même aversion pour l’étiquette. Elle ne discontinua ni ses promenades à pied ni ses voyages à Paris. Hors des solennités, elle aimait à s’habiller avec la plus grande simplicité, mais l’air de dignité qui lui était particulier, laissait toujours deviner son rang.

On commença à censurer vivement cette simplicité, d’abord parmi les courtisans, ensuite dans le reste du royaume ; et, par une de ces contradictions qui sont plus communes en France qu’ailleurs, en même temps qu’on blâmait la reine, on la copiait avec fureur. Chaque femme voulait avoir le même déshabillé, le même bonnet, les mêmes plumes qu’on lui avait vus. On courait en foule chez une dame Bertin, sa marchande de modes ; ce fut une véritable révolution dans l’habillement de nos dames, qui donna une sorte d’importance à cette femme. Les robes traînantes, toutes les formes qui pouvaient donner une certaine noblesse aux parures, furent proscrites ; on ne distingua plus une duchesse d’une actrice.

La folie gagna les hommes ; les grands avaient depuis long-temps quitté les plumets, les touffes de ruban, les galons au chapeau, pour les laisser à leurs laquais. Ils quittèrent alors les talons rouges et les broderies sur les habits ; ils se plurent à parcourir nos rues, vêtus d’un gros drap, un bâton noueux à la main, et chaussés avec des souliers épais.

Cette métamorphose valut à plus d’un d’entre eux des aventures humiliantes. Jetés dans la foule, et n’ayant rien qui les distinguât des hommes du peuple, il arriva que des rustres prirent querelle avec eux, et, dans ce genre de combat, ce n’était pas le noble qui avait la supériorité. Voilà comme insensiblement le second ordre se dépouillait de la considération qu’on lui avait toujours portée, et avançait le règne de cette égalité qui lui a été si funeste.

Ces changemens avaient un inconvénient plus grave encore, en ce qu’ils influèrent considérablement sur les mœurs ; car,