Page:Campan - Mémoires sur la vie privée de Marie-Antoinette, tome 2.djvu/115

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L’empereur Joseph venait de mourir. La douleur de la reine fut assez modérée : ce frère, dont elle avait été si fière, qu’elle avait aimé si tendrement, avait probablement perdu une grande partie de son affection ; elle lui reprochait quelquefois, quoique avec beaucoup de ménagement, d’avoir adopté plusieurs des principes de la philosophie moderne, et peut-être savait-elle qu’il envisageait nos troubles plus en souverain d’Allemagne qu’en frère de la reine de France[1].

  1. L’empereur Joseph avait envoyé à la reine une gravure qui représentait des religieuses et des moines défroqués. Les premières essayaient des modes, les derniers se faisaient friser ; cette gravure était toujours restée dans un cabinet sans y être suspendue. La reine me dit de la faire emporter ; qu’elle souffrait de voir combien les philosophes avaient de pouvoir sur l’esprit et les actions de son frère*.
    (Note de madame Campan.)

    *. Les Jésuites et les moines n’ont pas eu d’ennemi plus déclaré, plus redoutable que Joseph II. On jugera, par plusieurs lettres que renferment les éclaircissemens (Lettre G), de la haine qu’il portait aux premiers. Quant aux moines, les passages qu’on va lire, et qui sont extraits de la Correspondance de ce prince, donnent, pour ainsi dire, l’explication de la gravure qu’il avait envoyée à la reine. On doit ajouter que Joseph II portait, dans la destruction des établissemens religieux, un zèle philosophique qui avait aussi son fanatisme.

    « Le monachisme est porté, en Autriche, à un excès intolérable ; le nombre des chapitres et des couvens s’est multiplié à l’excès. Jusqu’à présent, les moines ont su, en s’armant de je ne sais quelle règle et quelles lois, se soustraire à l’influence du gouvernement, qui n’a eu que fort peu de droits sur leurs personnes, et pourtant ils sont les sujets les plus inutiles comme les plus dangereux d’un État ; car ils