Page:Campan - Mémoires sur la vie privée de Marie-Antoinette, tome 2.djvu/119

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.

les sentimens n’étaient pas douteux. Le dauphin eût été, de son côté, au rendez-vous avec madame de Tourzel : une grande berline et une chaise de suite suffisaient pour toute la famille ; on aurait pu alors gagner les aides-de-camp, ou les soumettre. Le roi devait laisser sur son bureau, à Saint-Cloud, une lettre pour le président de l’Assemblée nationale. Le service du roi et de la reine aurait attendu sans inquiétude jusqu’à neuf heures du soir, puisque la famille ne rentrait quelquefois qu’à cette heure-là. Cette lettre ne pouvait être remise à Paris que vers dix heures au plus tôt. L’Assemblée alors n’était pas réunie ; il eût fallu trouver le président chez lui ou dans une autre maison ; on aurait atteint minuit, avant que l’Assemblée eût été convoquée, et qu’on eût fait partir des courriers pour faire arrêter la famille royale, qui aurait déjà eu l’avance de six ou sept heures, étant partie à six lieues de distance de Paris ; et, à cette époque, on voyageait encore très-facilement en France. La reine avait approuvé ce plan ; mais je ne me permettais pas de la questionner, et je pensais même, que s’il s’exécutait, elle me le laisserait ignorer. Un soir du mois de juin, à neuf heures, les gens du château, ne voyant pas revenir le roi, se promenaient avec inquiétude dans les cours. Je croyais au départ, je respirais à peine dans le trouble de mes vœux, lorsque j’entendis le bruit des voitures. J’avouai à la reine que je l’avais crue partie ; elle me dit qu’il fallait d’abord attendre que