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dans la salle du conseil. J’y trouvai un cahier de papier, un encrier, des plumes, tout cela préparé. Il s’assit à côté de moi, et me dictait le rapport du marquis de Bouillé, qu’il copiait en même temps. Ma main tremblait, j’avais de la peine à écrire ; mes réflexions me laissaient à peine l’attention nécessaire pour écouter le roi. Cette grande table, ce tapis de velours, ces siéges qui ne devaient servir qu’aux premiers conseillers du souverain ; ce qu’avait été ce séjour, ce qu’il était dans ce moment où le roi employait une femme à des fonctions qui avaient si peu de rapport avec ses devoirs ordinaires ; les malheurs qui l’avaient amené à cette nécessité ; ceux que mon amour et mes craintes pour mes souverains me faisaient encore redouter : toutes ces idées me firent une telle impression, que, rentrée dans l’appartement de la reine, je ne pus, du reste de la nuit, retrouver le sommeil, ni me ressouvenir de ce que j’avais écrit.

Plus je voyais que j’avais le bonheur d’être de quelque utilité à mes maîtres, plus j’observais de vivre seulement avec ma famille, et jamais je ne me permettais aucun entretien qui pût faire connaître l’intimité dans laquelle j’étais admise ; mais rien ne reste ignoré à la cour, et je me vis bientôt de nombreux ennemis. Les moyens de desservir, surtout auprès des rois, ne sont que trop faciles ; ils l’étaient devenus bien plus encore, depuis que le seul soupçon de communication avec des partisans de la révolution pouvait faire perdre l’estime et la