Page:Campan - Mémoires sur la vie privée de Marie-Antoinette, tome 2.djvu/13

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que c’est à son éminence qu’elle a remis trente mille francs qui m’ont été donnés pour premier à compte, et elle les a pris, en sa présence, dans le petit secrétaire de porcelaine de Sèvres qui est auprès de la cheminée de son boudoir. — Et c’est le cardinal qui vous a dit cela ? — Oui, Madame, lui-même. — Ah ! quelle odieuse intrigue ! m’écriai-je. — Mais à la vérité, Madame, je commence à être bien effrayé, car son éminence m’avait assuré que la reine porterait son collier le jour de la Pentecôte, et je ne le lui ai pas vu ; c’est ce qui m’a décidé à écrire à Sa Majesté. » Ensuite il me demanda ce qu’il devait faire. Je lui conseillai d’aller à Versailles, au lieu de retourner à Paris d’où il venait en ce moment ; d’obtenir de suite une audience du baron de Breteuil qui était son ministre comme chef de la maison du roi ; de prendre garde à lui : qu’il me paraissait fort coupable, non comme marchand de diamans, mais parce qu’ayant une charge qui lui avait fait prêter serment de fidélité, il était impardonnable d’avoir agi sans des ordres précis du roi, de la reine ou du ministre. Il me répondit qu’il n’avait pas agi sans des ordres précis, qu’il avait tous les billets signés par la reine, et que même il avait été forcé de les montrer à plusieurs banquiers pour obtenir une prolongation des époques de ses paiemens. Je pressai son départ pour Versailles ; il m’assura qu’il s’y rendrait de suite : au lieu de suivre mon conseil, il alla chez le cardinal, et c’est de cette visite de Bœhmer, que son éminence avait fait un