Page:Campan - Mémoires sur la vie privée de Marie-Antoinette, tome 2.djvu/135

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service. Quelques jeunes femmes imprudentes se plaisaient à dire, avec le projet d’être entendues par ces officiers, qu’il était bien inquiétant de voir la reine seule avec un rebelle et un brigand. Je souffrais de ces inconséquences qui produisaient toujours de mauvais effets, et je leur imposai silence. Une d’elles insistait sur la dénomination de brigand. Je lui dis que pour rebelle, M. de La Fayette méritait bien ce titre ; mais que celui de chef de parti était donné par l’histoire à tout homme qui commandait à quarante mille hommes, à une capitale, et à quarante lieues de pays ; que souvent les rois avaient traité avec des chefs de parti ; et que s’il convenait à la reine de le faire, il ne nous appartenait à nous que de nous taire et de respecter ses actions. Le lendemain, la reine, d’un ton sérieux, mais avec la plus grande bonté, me demanda ce que j’avais dit la veille au sujet de M. de La Fayette, ajoutant qu’on l’avait assurée que j’avais imposé silence à ses femmes, parce qu’elles ne l’aimaient pas, et que j’avais pris son parti. Je répétai à la reine, mot pour mot, ce qui s’était passé. Elle voulut bien me dire que j’avais parfaitement raison.

Toutes les fois que la jalousie lui faisait parvenir de faux rapports sur moi, elle avait la bonté de m’en prévenir, et ils ne portaient aucune atteinte à la confiance dont elle n’a cessé de m’honorer, et que je me suis trouvée heureuse de justifier, même au péril de ma vie.