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Page:Campan - Mémoires sur la vie privée de Marie-Antoinette, tome 2.djvu/173

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la reine me fit appeler. Elle faisait demander M. Goguelat pour lui annoncer son départ, dans la nuit même, pour Vienne. Les nouvelles atteintes à la dignité du trône, qui s’étaient manifestées dans cette séance ; l’esprit d’une assemblée pire que la précédente ; le monarque traité à l’instar du président, sans aucune déférence pour le trône : tout annonçait trop ouvertement que l’on en voulait à la souveraineté. La reine ne voyait plus d’espoir dans l’intérieur. Le roi venait d’écrire à l’empereur ; elle me dit qu’elle porterait elle-même, à minuit, dans mon appartement, la lettre que M. Goguelat porterait à l’empereur. Pendant tout le reste de la journée, le château et les Tuileries furent remplis d’une foule prodigieuse ; les illuminations étaient magnifiques. On invita le roi et la reine à se promener en voiture dans les Champs-Élysées, escortés par les aides-de-camp et les chefs de l’armée parisienne, la garde constitutionnelle n’étant point

    quelle fut ma douleur, quand j’entendis cet infortuné monarque s’écrier, en se jetant dans un fauteuil et mettant son mouchoir sur ses yeux : « Tout est perdu ! Ah ! Madame, et vous avez été témoin de cette humiliation ! Quoi ! vous êtes venue en France pour voir.... » Ces paroles étaient coupées par ses sanglots ; la reine se jeta à genoux devant lui, et le serra dans ses bras. Je restais, non par une blâmable curiosité, mais par une stupeur qui me rendait incapable de juger ce que je devais faire. La reine me dit : Ah ! sortez, sortez ! avec un accent qui disait seulement : « Ne restez pas spectatrice de l’abattement et du désespoir de votre souverain ! »

    (Note de l’édit.)