Page:Campan - Mémoires sur la vie privée de Marie-Antoinette, tome 2.djvu/187

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me répondait par la poste, et ne me parlait plus que de ses affaires de famille. Une fois seulement il me manda qu’il ne me répondrait plus quand je lui écrirais sur les affaires du temps. « Servez votre auguste maîtresse avec le dévouement sans bornes que vous lui devez, me disait-il, et faisons chacun notre devoir : je vous observerai seulement que souvent à Paris les brouillards de la Seine empêchent, même du pavillon de Flore, de voir cette immense capitale, et je la vois plus clairement de Pétersbourg. » La reine dit en lisant cette lettre : « Peut-être n’a-t-il que trop raison : qui peut juger une position aussi désastreuse que la nôtre l’est devenue ? » Le jour même où j’avais fait lire à la reine la première lettre de mon frère, elle eut plusieurs audiences à donner à des dames et à d’autres personnes de la cour, qui vinrent exprès lui apprendre que mon frère était constitutionnel et révolutionnaire déclaré. La reine leur répondit : « Je le sais, madame Campan est venue me le dire. » Les gens jaloux de ma position, et quelques têtes exaltées, m’ayant fait éprouver des dégoûts, et mes peines se renouvelant chaque jour, je demandai à la reine de me retirer de la cour. Elle se récria contre une semblable idée, me la fit voir comme très-dangereuse pour ma propre réputation, et eut la bonté d’ajouter qu’elle n’y consentirait jamais, ni pour moi ni pour elle. Après cet entretien, pendant lequel j’étais aux genoux de Sa Majesté, baignant ses mains de mes larmes,