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Page:Campan - Mémoires sur la vie privée de Marie-Antoinette, tome 2.djvu/192

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aux seuls détails de la pâtisserie ; il était très-observé par les chefs de la bouche, gens dévoués à Sa Majesté ; mais un poison subtil peut être si aisément introduit dans les mets, qu’il fut décidé que le roi et la reine ne mangeraient plus que du rôti ; que leur pain serait apporté par M. Thierry de Villedavray, intendant des petits appartemens, et qu’il se chargerait de même de fournir le vin. Le roi aimait les pâtisseries ; j’eus ordre d’en commander, comme pour moi, tantôt chez un pâtissier, tantôt chez un autre. Le sucre râpé était de même dans ma chambre. Le roi, la reine, madame Élisabeth, mangeaient ensemble, et il ne restait personne du service. Ils avaient chacun une servante d’acajou, et une sonnette pour faire entrer quand ils le désiraient. M. Thierry venait lui-même m’apporter le pain et le vin de Leurs Majestés, et je serrais tous ces objets dans une armoire particulière du cabinet du roi, au rez-de-chaussée. Aussitôt que le roi était à table, j’apportais la pâtisserie et le pain. Tout se cachait sous la table, dans la crainte que l’on eût besoin de faire entrer le service. Le roi pensait qu’il était aussi dangereux qu’affligeant de montrer cette crainte d’attentats contre sa personne, et cette défiance du service de sa bouche. Comme il ne buvait jamais une bouteille de vin entière à ses repas (les princesses ne buvaient que de l’eau), il remplissait celle dont il avait bu à peu près la moitié avec la bouteille servie par les officiers de son gobelet. Je l’emportais après le dîner.