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Page:Campan - Mémoires sur la vie privée de Marie-Antoinette, tome 2.djvu/217

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autour duquel était écrit : Cœur de Louis XVI. Enfin un troisième offrait les cornes d’un bœuf avec une légende obscène.

L’une des plus furieuses jacobines qui défilaient avec ces misérables, s’arrêta pour vomir mille imprécations contre la reine. Sa Majesté lui demanda si elle l’avait jamais vue : elle lui répondit que non ; si elle lui avait fait quelque mal personnel : sa réponse fut la même, mais elle ajouta : « C’est vous qui faites le malheur de la nation. — On vous l’a dit, reprit la reine ; on vous a trompée. Épouse d’un roi de France, mère du dauphin, je suis Française, jamais je ne reverrai mon pays, je ne puis être heureuse ou malheureuse qu’en France ; j’étais heureuse quand vous m’aimiez. » Cette mégère se mit à pleurer, à lui demander pardon, à lui dire : « C’est que je ne vous connaissais pas ; je vois que vous êtes bien bonne. »

Santerre, le roi des faubourgs, faisait défiler ses sujets le plus promptement qu’il pouvait ; et l’on a cru dans le temps qu’il avait ignoré le but de cette insurrection, qui était le meurtre de la famille royale[1]. Cependant il était huit heures du

  1. L’un des écrivains royalistes les plus prononcés, Montjoie, s’exprime ainsi sur Santerre dans l’histoire de Marie-Antoinette ; et ce témoignage paraît d’autant plus remarquable qu’il est moins attendu.

    « Les formes épaisses de sa taille élevée, le son rauque de sa voix, ses manières brutales, son éloquence facile et grossière,