Page:Campan - Mémoires sur la vie privée de Marie-Antoinette, tome 2.djvu/236

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le cri contre l’Autrichienne, contre la domination d’une femme, serait général en France ; et d’ailleurs j’anéantirais le roi en me montrant. Une reine qui n’est pas régente doit, dans ces circonstances, rester dans l’inaction et se préparer à mourir. »

Le jardin des Tuileries était plein de forcenés qui insultaient à tout ce qui paraissait tenir à la cour. On criait sous les fenêtres de la reine : La Vie de Marie-Antoinette ; des estampes infâmes y étaient jointes ; les colporteurs les montraient aux passans[1]. On entendait de divers côtés ce brouhaha de la joie d’un peuple en délire, presque aussi effrayant que l’éclat de ses fureurs. La reine et ses enfans ne pouvaient plus respirer l’air extérieur ; il fut décidé que le jardin des Tuileries serait fermé. Aussitôt que cette mesure fut prise, l’Assemblée décréta que toute la longueur de la terrasse des Feuillans lui appartenait, et l’on fixa les limites entre ce qu’on appelait la terre nationale et

  1. Celui qui écrit ces notes, a vu ou lu ces gravures obscènes, ces brochures haineuses. Il a exprimé dans la notice l’impression de tristesse et de dégoût qu’il en avait conservée. Ce qu’il doit ajouter ici et qui cause une douloureuse surprise, c’est que parmi ces écrits, et surtout parmi les vers, il s’en trouve qui annoncent un talent très-remarquable ; quelques passages rappellent la facture des épigrammes de Rousseau et la verve libertine de Piron. Quel honteux et coupable abus des dons de l’esprit !
    (Note de l’édit.)