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Les assaillans ignoraient que le roi et sa famille se fussent rendus au sein de l’Assemblée ; et ceux qui défendaient le palais du côté des cours l’ignoraient de même : on a présumé que, s’ils en eussent été instruits, le siége n’eût pas eu lieu.

Les Marseillais commencent par chasser de leurs postes plusieurs Suisses qui cèdent sans résistance ; quelques-uns des assaillans se mettent à les fusiller ; des officiers suisses, outrés de voir ainsi tomber leurs soldats, et croyant peut-être que le roi était encore aux Tuileries, ordonnent à un bataillon de faire feu. Le désordre se met parmi les agresseurs, le Carrousel est nettoyé en un instant ; mais bientôt ils reviennent animés de fureur et de vengeance. Les Suisses n’étaient qu’au nombre de huit cents ; ils se replient dans l’intérieur du château ; des portes sont enfoncées par le canon, d’autres brisées à coups de hache ; le peuple se précipite de toutes parts dans l’intérieur du palais ; presque tous les Suisses sont massacrés ; des nobles, fuyant par la galerie qui conduit au Louvre, sont poignardés ou tués à coups de pistolet ; on jette leurs corps par les fenêtres. MM. Pallas et de Marchais, huissiers de la chambre du roi, sont tués en défendant la porte de la salle du conseil ; beaucoup d’autres serviteurs du roi tombent victimes de leur attachement pour leur maître. Je cite ces deux personnes, parce que, le chapeau enfoncé, l’épée à la main, ils criaient en se défendant avec une inutile mais louable valeur : « Nous ne voulons plus vivre, c’est notre poste,