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former contre ce qu’on appelait les attentats du 10 août, amena des visites domiciliaires. Mes domestiques furent instruits que la section où je demeurais était très-occupée de la fouille qui serait faite chez moi, et vinrent m’en avertir. J’appris que cinquante hommes armés s’empareraient de la maison de M. Auguié où j’étais alors. On venait de me donner cette nouvelle, lorsque M. Gougenot, maître-d’hôtel du roi et receveur-général de la régie, homme très-dévoué à son souverain, entra dans ma chambre couvert d’une houppelande, sous laquelle il portait, avec beaucoup de peine, le porte-feuille du roi, que je lui avais confié. Il le jeta à mes pieds, et me dit : « Voilà votre dépôt ; je ne l’ai pas reçu des mains même de notre malheureux roi ; en vous le remettant j’ai rempli ma tâche. » Après avoir dit ces mots, il voulut sortir. Je l’arrêtai en le suppliant de concerter avec moi ce que je devais faire dans une si cruelle circonstance. Il se refusait à mes instances et ne voulait pas même connaître le parti que je prendrais. Je lui dis que mon logement allait être investi ; je lui confiai ce que la reine m’avait dit sur le contenu du porte-feuille. À tout cela il répondait : « Voyez, décidez-vous, je ne veux y être pour rien. » Alors, je restai quelques secondes à penser, et je me souviens que ma démarche fut établie sur les raisons suivantes. Je parlais haut, quoique avec moi-même ; je marchais à grands pas ; le malheureux Gougenot restait pétrifié. Oui, disais-je, quand on ne peut plus