Page:Campan - Mémoires sur la vie privée de Marie-Antoinette, tome 2.djvu/27

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net ; elle pleurait : « Venez, me dit Sa Majesté, venez plaindre votre reine outragée et victime des cabales et de l’injustice. Mais à mon tour je vous plaindrai comme Française. Si je n’ai pas trouvé de juges équitables dans une affaire qui portait atteinte à mon caractère, que pouvez-vous espérer si vous aviez un procès qui touchât votre fortune et votre honneur[1] ? » Le roi entra en ce moment, et me dit : « Vous trouvez la reine bien affligée ; elle a de grands motifs de l’être, mais quoi ! ils n’ont voulu voir dans cette affaire que le prince de l’Église et le prince de Rohan, tandis que ce n’est qu’un besogneux d’argent (je me sers de la propre expression de Sa Majesté), et que tout ceci n’était qu’une ressource pour faire de la terre le fossé, et dans laquelle le cardi-

  1. « Croira-t-on, dit l’abbé Georgel, qu’il fallut user de ménagemens pour annoncer à la reine le triomphe du cardinal ? » Croira-t-on, dirons-nous à notre tour, à la surprise de l’abbé Georgel ? N’est-ce donc pas un juste, un profond sujet de douleur pour Marie-Antoinette que le triomphe d’un prélat qui avait compromis le nom de sa souveraine en France et dans l’Europe, par le scandale de ses liaisons, par une imbécille crédulité, et peut-être même par des espérances coupables ? L’abbé Soulavie, dont l’animosité contre Marie-Antoinette est égale à la haine de l’abbé Georgel, a peut-être moins trahi sa passion par ses calomnies, que l’ami du cardinal de Rohan par cette exclamation insolente. Eh ! que veut-il donc qu’une femme, une épouse, une reine ait de cher, si ce n’est son honneur et la majesté du trône !
    (Note de l’édit.)