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que pour le soir, à l’heure où les gens de Paris partiraient. Débarrassée des personnes qui exigeaient ma présence dans le salon, je descendis avec Boehmer dans une allée du jardin. Je crois pouvoir rappeler mot à mot la conversation qui eut lieu entre cet homme et moi. Je fus si frappée d’effroi dès le premier moment où je découvris l’intrigue à la fois la plus vile et la plus dangereuse, que chaque mot de cet entretien est profondément gravé dans ma mémoire. J’étais si pénétrée de ma douleur, j’entrevoyais tant de dangers dans la manière dont la reine aurait à se dégager d’un semblable mensonge, qu’il vint à tonner, à pleuvoir, pendant que je m’entretenais avec Bœhmer, sans que j’y fisse attention.

Étant donc seule avec Bœhmer, je commençai ainsi :

Que signifie le papier que vous remîtes à Sa Majesté dimanche, à la sortie de la chapelle ?

B. La reine ne peut pas l’ignorer, Madame.

Pardonnez-moi, elle m’a de plus chargée de vous le demander.

B. C’est un jeu.

Quel jeu voulez-vous qui puisse exister pour une chose aussi simple entre vous et la reine ? La reine ne s’habille plus que très-rarement, vous le savez : vous m’avez dit vous-même que l’extrême simplicité de la cour de Versailles faisait tort à votre commerce. Elle craint que vous n’inventiez