Page:Campan - Mémoires sur la vie privée de Marie-Antoinette, tome 2.djvu/289

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qui, peu de jours auparavant, s’était vu arrêter pour dettes. L’ordre de suivre le cardinal, de répondre de sa personne, le mot arrestation enfin, troublèrent si fort ce jeune homme, qu’il perdit toutes les facultés de réfléchir à l’importance de sa mission. Le cardinal rencontra, dans la galerie de la chapelle, son heiduque, et lui parla en allemand. Voulant écrire les ordres qu’il lui donnait et n’ayant pas sur lui de crayon, il demanda au sous-lieutenant s’il pouvait lui en prêter un. Il en avait un, il le présenta au cardinal, et attendit patiemment que Son Éminence eût tracé sur un morceau de papier les ordres qu’il donnait à l’abbé Georgel, son grand-vicaire, de brûler, dans son cabinet à Paris, la totalité de sa correspondance avec madame Lamotte. De ce moment, toutes les preuves de cette intrigue disparurent. Madame Lamotte fut arrêtée à Bar-sur-Aube ; son mari était déjà passé en Angleterre. Dès le commencement de cette funeste affaire, l’inconsidération et l’imprévoyance semblaient avoir dicté toutes les démarches de la cour ; l’obscurité qui en résulta laissa le champ libre aux fables qui composèrent les volumineux mémoires écrits de part et d’autre. La reine concevait si peu ce qui pouvait avoir donné lieu à l’intrigue dont elle allait être victime, qu’au moment où le roi interrogeait le cardinal, il lui vint à l’esprit une idée effrayante. Elle pensa, avec cette rapidité que font naître l’intérêt personnel et l’extrême agitation, que, si le projet de la perdre