Page:Campan - Mémoires sur la vie privée de Marie-Antoinette, tome 2.djvu/324

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cipes. Je communiquai à la reine une foule de propos révolutionnaires qu’elle m’avait tenus il y avait peu de jours. Cette charge était directement sous les ordres de la première femme : elle avait refusé d’obéir à ceux que je lui donnais, me parlant avec insolence de hiérarchie renversée, d’égalité entre les hommes, à plus forte raison entre les personnes munies de charges à la cour ; et ce fatras de mots placés en ce moment dans la bouche de tous les partisans de la révolution, fut terminé par une phrase qui m’avait effrayée. « Vous savez beaucoup de secrets importans, Madame, me dit cette femme, et moi j’en ai deviné tout autant. Je ne suis point une sotte ; je vois tout ce qui se passe ici par suite des mauvais conseils que l’on donne au roi et à la reine : je pourrais les déjouer tous si je voulais. » J’étais sortie pâle et tremblante de cette espèce de rixe où j’avais promptement pris l’attitude du silence. Malheureusement, ayant commencé mon récit à la reine par des détails sur le refus que cette femme avait fait de m’obéir, et les souverains étant toute leur vie importunés des réclamations sur les prérogatives des places, elle crut que mon mécontentement avait une grande part dans la démarche que je faisais ; et cette femme ne lui inspira pas assez de crainte. Sa charge, quoique très-subalterne, lui rapportait près de 15,000 francs par an. Encore jeune, assez belle, bien logée dans les entresols des Tuileries, elle recevait beaucoup de monde, et avait le soir un cercle composé de