Page:Campan - Mémoires sur la vie privée de Marie-Antoinette, tome 2.djvu/337

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l’instant précipité, et allait périr sous les yeux de la famille royale. Barnave s’élance à la portière, révolté par ces atroces assassinats ; il s’écrie : « Sommes-nous environnés de tigres ? Laissez en paix ce respectable vieillard. Montrez, dans ce moment imposant, le calme d’une grande nation, digne de conquérir sa liberté. » Le vieux prêtre est sauvé. Madame Élisabeth, surprise et charmée de l’élan généreux de Barnave, le voyant prêt à se précipiter par la portière, saisit la basque de son habit pour le garantir de ce danger. Le courage et l’humanité unissent en ce moment les vœux de la pieuse fille des Bourbons et du plébéien indépendant qui, depuis deux ans, portait atteinte aux antiques droits de la monarchie. Ce nom, que l’on n’avait jamais prononcé qu’avec horreur et dédain, est celui d’un homme sensible ; et, de ce moment, Barnave a acquis des droits sur les cœurs des infortunées princesses. On ose même établir une conversation suivie sur la crise dans laquelle se trouvent la France et la famille royale. Le roi, dans le commencement, malgré son extrême timidité, hasarde quelques réflexions ; mais ayant demandé où le peuple français en voulait venir, Pétion eut la barbare franchise de lui répondre : À une république, lorsqu’il aura le bonheur d’être assez mûr pour cela. De ce moment, le roi s’imposa, jusqu’à son arrivée à Paris, un silence qu’il ne rompit pas une seule fois même par des monosyllabes.