Page:Campan - Mémoires sur la vie privée de Marie-Antoinette, tome 2.djvu/349

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toutes les facultés intellectuelles et morales d’un homme qui, de tout temps, avait couru après les secrets de la chimie et de la botanique.....

» Le baron de Planta, que le cardinal avait employé lors de son ambassade à Vienne, devint aussi, à l’époque de l’histoire du collier, le plus intime confident de ses pensées et de ses affections, et fut l’un de ses agens le plus accrédités près de Cagliostro et de madame de Lamotte. Je me rappelle qu’ayant appris par une voie certaine que ce baron de Planta avait de fréquentes orgies très-dispendieuses au palais de Strasbourg, où l’on faisait, pour ainsi dire, litière de vin de Tockay, afin de fêter à son gré Cagliostro et sa prétendue femme, je crus devoir en prévenir M. le cardinal. Sa réponse fut : « Je le sais, et je lui ai même donné le droit d’abuser, s’il le juge à propos. » Cette façon de penser ne me laissa aucun doute sur l’enthousiasme du prince pour cet empirique ; mais j’étais loin de croire qu’il était devenu son oracle, son guide et sa boussole. Ce fut à lui et au baron de Planta que le cardinal révéla tout ce qu’il présageait d’heureux de ses liaisons avec madame de Lamotte, et de la correspondance dont elle était l’intermédiaire…

» Si la comtesse de Lamotte avait su se borner à ses premiers vols, ses stratagèmes eussent ensuite été découverts : elle aurait passé pour une héroïne habile en filouterie ; on aurait ri de la crédulité du cardinal ; mais ce n’eût été qu’une plaie d’argent que le prince, qui en avait été la dupe, était intéressé à ne pas révéler. Mais quand l’oubli des principes est parvenu à s’établir au milieu d’un cœur gâté et corrompu, tous les crimes, quelles qu’en soient la noirceur et la scélératesse, ne sont plus que des moyens ordinaires que la cupidité emploie pour se satisfaire. Cette ame profondément scélérate, attachée par cent vingt mille livres qui ne lui avaient coûté qu’un tissu de mensonges et du papier à lettre à tranche dorée, conçut une manœuvre dont la hardiesse et les dangers auraient arrêté le brigand le plus déterminé.

» Il existait entre les mains d’un bijoutier de la reine un su-