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l’archevêque de Sens, entretenue dans la confiance qu’elle accordait à ce ministre par les éloges que l’abbé de Vermond ne cessait de donner à ses talens, la reine après avoir fait la faute de l’amener au ministère, en fit malheureusement une aussi grave, en le soutenant, à l’époque d’une disgrâce obtenue du désespoir de la nation entière. Elle crut de sa dignité de lui donner, au moment de son départ, des preuves ostensibles de son estime ; et sa sensibilité même l’égarant, elle lui envoya son portrait enrichi de pierreries, et le brevet de dame du palais pour sa nièce, madame de Canisy, disant qu’il fallait dédommager un ministre sacrifié par la brigue des cours, et par l’esprit factieux de la nation ; qu’autrement on n’en trouverait plus qui voulussent se dévouer pour les intérêts du souverain. Cependant, le jour du départ de l’archevêque, la joie éclata à la cour, et fut populaire dans Paris ; on y fit des feux de joie ; la basoche brûla un mannequin qui représentait l’archevêque ; et plus de cent courriers partirent de Versailles, dans la soirée même de sa disgrâce, pour en porter l’heureuse nouvelle dans toutes les campagnes qui environnaient Paris et Versailles[1]. J’ai vu depuis la reine verser des larmes amères sur les torts qu’elle avait eus à cette époque, lorsque

  1. Les éclaircissemens présentent des renseignemens curieux, sur les circonstances qui accompagnèrent et suivirent la retraite de l’archevêque. (Lettre D.)
    (Note de l’édit.)