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Au comte d’Aranda, chevalier de la Toison-d’Or, grand d’Espagne, conseiller intime, ministre-président des Deux-Castilles et ambassadeur près la cour de France.

 Monsieur,

Clément XIV s’est acquis une gloire immortelle en bannissant de la terre les jésuites, ces Séïdes de l’apostolat, dont le nom ne sera plus cité que dans l’histoire des controverses et du jansénisme.

Avant qu’on les connût en Allemagne, la religion était pour les peuples une source de félicité ; mais ils l’ont travestie en un simulacre révoltant, et en ont fait l’instrument de leur ambition et le manteau de leurs honteux projets.

Une institution, enfantée dans le Midi par l’imagination fanatique d’un moine espagnol, une institution qui tend au monopole universel de l’esprit humain, et qui, pour y parvenir, cherche à tout soumettre au sénat infaillible de Latran, a été un bien funeste présent pour les neveux de Tuiskon (Teuton).

Le principal, l’unique but du sanhédrin de ces loyolistes, a été sa gloire, l’extension de son pouvoir et l’épaississement des ténèbres sur le reste de l’univers.

L’intolérance des jésuites a attiré sur l’Allemagne les calamités d’une guerre de trente ans ; leurs principes ont arraché aux Henri de France le trône et la vie, et ils furent les auteurs de l’atroce révocation de l’édit de Nantes.

Leur influence sur la maison de Habsbourg n’est que trop connue. Ferdinand II et Léopold Ier les protégèrent jusqu’à leur dernier soupir. L’éducation de la jeunesse, les lettres, les récompenses, les nominations aux plus hautes dignités de l’État, l’oreille des rois, comme le cœur des reines, tout enfin fut confié à leur direction artificieuse.

On sait trop quel usage ils en firent, quels plans ils exécutèrent, et quelles chaînes ils forgèrent pour les nations.