Page:Campan - Mémoires sur la vie privée de Marie-Antoinette, tome 2.djvu/68

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dans la France entière, que quatre mille brigands marchaient vers les villes ou les villages que l’on voulait faire armer. Jamais projet ne fut mieux combiné ; la terreur se répandit à la fois sur tout le royaume, et pénétra jusque dans les cantons les plus reculés. Dans les montagnes du Mont-d’Or, un paysan me montra, en 1791, une roche escarpée où sa femme s’était réfugiée, le jour où les quatre mille brigands devaient assaillir leur village, et me dit qu’on avait été obligé de se servir de cordages pour la descendre de l’endroit où le seul effet de la peur l’avait fait parvenir.

Le lieu où l’habit militaire parut le plus choquant, fut sans doute Versailles. Tous les valets du roi, de la dernière classe, furent transformés en lieutenans, en capitaines ; presque tous les musiciens de la chapelle osèrent paraître un jour à la messe du roi avec un costume militaire, et un soprano d’Italie y chanta un motet, en uniforme de capitaine de grenadiers. Le roi en fut très-offensé, et fit défendre à ses serviteurs de paraître en sa présence avec un costume aussi déplacé.

Le départ de la duchesse de Polignac devait laisser tomber tous les dangers de la faveur sur l’abbé de Vermond ; on en parlait déjà comme d’un conseiller nuisible au bonheur du peuple. La reine en fut alarmée, et lui conseilla de se rendre à Valenciennes, où commandait le comte d’Esterhazy ; il ne put y résider que peu de jours, et partit pour Vienne où il est toujours resté.