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semblée ; mais j’ignore absolument ce qui se passa à ce déjeuner. Dès ce moment, Paris ne cessa pas d’être en rumeur ; les attroupemens étaient perpétuels, les plus virulentes motions s’entendaient dans toutes les places, on parlait toujours de se porter sur Versailles. Le roi et la reine ne paraissaient pas le craindre et ne prenaient aucune précaution ; enfin, le soir du 5 octobre, quand l’armée était déjà sortie de Paris, le roi chassait au tir à Meudon, et la reine était absolument seule à se promener dans ses jardins de Trianon, qu’elle parcourait pour la dernière fois de sa vie. Elle était assise dans sa grotte, livrée à de douloureuses réflexions, lorsqu’elle reçut un mot d’écrit de M. le comte de Saint-Priest qui la suppliait de rentrer à Versailles. M. de Cubières partit en même temps pour inviter le roi à quitter sa chasse et à rentrer dans son palais ; il s’y rendit à cheval et fort lentement. Quelques momens après, on vint l’avertir qu’une bande nombreuse de femmes, qui précédait l’armée parisienne, était à Chaville, à l’entrée de l’avenue de Paris.

La rareté du pain et le repas des gardes-du-corps furent le prétexte du soulèvement des 5 et 6 octobre ; mais comme, depuis le commencement de septembre, on ne cessait de faire circuler dans le peuple que le roi projetait de se retirer, avec sa famille et ses ministres, dans quelque place forte ; comme dans les rassemblemens populaires on par-