Aller au contenu

Page:Campan - Mémoires sur la vie privée de Marie-Antoinette, tome 2.djvu/80

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.

C’était particulièrement contre la reine que l’insurrection était dirigée : je frémis encore en me souvenant que les poissardes, ou plutôt les furies qui portaient des tabliers blancs, criaient qu’ils étaient destinés à recevoir les entrailles de Marie-Antoinette ; qu’elles s’en feraient des cocardes, et mêlaient les expressions les plus obscènes à ces horribles menaces ; tant l’ignorance et la cruauté, qui se trouvent dans la masse de presque tous les peuples, peuvent dans les temps de troubles leur inspirer des sentimens atroces ! tant il est nécessaire qu’une autorité vigoureuse et paternelle, en les défendant contre leurs propres erreurs, préserve en même temps les bons citoyens de toutes les calamités qu’entraînent les factions !

La reine se coucha à deux heures du matin, et s’endormit, fatiguée par une journée aussi pénible. Elle avait ordonné à ses deux femmes de se mettre au lit, pensant toujours qu’il n’y avait rien à craindre, du moins pour cette nuit ; mais l’infortunée princesse dut la vie au sentiment d’attachement qui les empêcha de lui obéir. Ma sœur, qui était l’une de ces deux dames, m’apprit le lendemain tout ce que je vais en citer.

Au sortir de la chambre de la reine, ces dames appelèrent leurs femmes de chambre, et se réunirent toutes quatre, assises contre la porte de la chambre à coucher de Sa Majesté. Vers quatre heures et demie du matin, elles entendirent des cris horribles et quelques coups de fusil ; l’une