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en plus difficile à contenir. Le roi, ne prenant conseil que de lui-même, dit au peuple : « Mes enfans, vous voulez que je vous suive à Paris, j’y consens, mais à condition que je ne me séparerai pas de ma femme et de mes enfans. » Le roi ajouta qu’il demandait sûreté pour ses gardes : on répondit : Vive le roi ! vivent les gardes-du-corps ! Les gardes, le chapeau en l’air, tourné du côté de la cocarde, crièrent : vive le roi, vive la nation ! Il se fit bientôt une décharge générale de tous les fusils, en signe de réjouissance. Le roi et la reine partirent de Versailles à une heure ; monseigneur le dauphin, Madame fille du roi, Monsieur, Madame, madame Élisabeth et madame de Tourzel étaient dans le carrosse ; plusieurs voitures de suite contenaient d’abord madame la princesse de Chimay, les dames du palais de semaine, puis la suite du roi et le service. Cent voitures de députés et le gros de l’armée parisienne terminaient le cortége. Quel cortége, grand Dieu !

Les poissardes entouraient et précédaient le carrosse de Leurs Majestés, en criant : « Nous ne manquerons plus de pain, nous tenons le boulanger, la boulangère et le petit mitron. » Au milieu de cette troupe de Cannibales s’élevaient les deux têtes des gardes-du-corps massacrés. Les monstres, qui en faisaient un trophée, eurent l’atroce idée de vouloir forcer un perruquier de Sèvres à recoiffer ces deux têtes, et à mettre de la poudre sur leurs cheveux ensanglantés. L’infortuné auquel on de-