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tendre attachement pour les augustes auteurs de ses jours, les grâces et la vivacité d’esprit du jeune dauphin, les soins et la tendresse de la pieuse princesse Élisabeth, leur procuraient encore des instans de bonheur. Chaque jour, le jeune prince donnait des preuves de sensibilité et de discernement ; il n’avait pas encore passé dans les mains des hommes ; mais un précepteur particulier[1] lui donnait toute l’éducation de son âge ; sa mémoire était très-cultivée, et il récitait les vers avec beaucoup de grâces et de sentiment.

Le lendemain de l’arrivée de la cour à Paris, entendant quelque rumeur dans les jardins des Tuileries, il se jeta avec effroi dans les bras de la reine en criant : Bon Dieu, Maman, est-ce qu’aujourd’hui serait encore hier ? Peu de jours après cette attendrissante naïveté, il s’approcha du roi et le regardait avec un air pensif. Le roi lui demanda ce qu’il voulait ; il lui répondit qu’il voulait lui dire quelque chose de très-sérieux. Le roi l’ayant engagé à s’expliquer, le jeune prince le pria de lui raconter pourquoi son peuple, qui l’aimait tant, était tout-à-coup fâché contre lui, et ce qu’il avait fait pour le mettre si fort en colère. Son père le prit sur ses genoux, et lui dit, à peu de mots près, ce qui suit : « Mon enfant, j’ai voulu rendre le peuple encore

  1. M. l’abbé Davout dont les talens étaient prouvés par les progrès surprenans du jeune prince.
    (Note de madame Campan.)