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SUR LA COUR.

L’art de la guerre s’exerce sans cesse à la cour : les rangs, les dignités, les entrées familières, mais surtout la faveur, y entretiennent sans interruption une rixe qui en bannit toute idée de paix. Les gens qui se dévouent à servir dans les cours y parlent souvent de leurs enfans, des sacrifices qu’ils font pour eux, et leur langage est sincère. Le courtisan le plus en faveur, le plus en crédit, ne trouve la force de résister aux chagrins qu’il endure, que dans l’idée qu’il se dévoue pour l’avancement ou la fortune des siens ; celui qui n’est pas soutenu par ces louables sentimens pense à l’honneur de pouvoir payer ses dettes, ou aux jouissances que lui procure le plaisir de briller aux yeux de ceux qui ignorent ses douleurs secrètes.

La Fontaine a dit de la faveur :


On la conserve avec inquiétude
 Pour la perdre avec désespoir.


Jamais on ne peut mieux définir le joug brillant et déchirant que porte l’homme favorisé. Aussitôt que le prince prononce quelques mots qui annoncent son estime ou son admiration pour quelqu’un, le premier mouvement des courtisans est d’être