Page:Campan - Mémoires sur la vie privée de Marie-Antoinette, tome 3.djvu/187

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soin de ne rester jamais sans être occupée. Lorsque ma chambre est faite, quand j’ai aidé ma mère à s’habiller, j’inspecte la maison, je vais aux basses-cours surveiller les choses nécessaires au ménage ; de là je me rends au potager, je cueille les fruits, je fais cueillir les légumes, et je distribue les provisions ; ma mère soigne le reste. Ensuite je lis, j’écris, j’apprends par cœur, jusqu’à l’heure du dîner ; le soir, je tricote ou je raccommode le linge et les hardes. De cette manière je mène la vie la plus heureuse : mais, seule, je n’ai pu réussir à bien apprendre la grammaire, les calculs, la géographie, le dessin ; je n’ai pu me rendre habile dans les ouvrages de goût, et je regrette ce genre d’instruction. Je serai peut-être mère un jour ; si je pouvais, en allant te rejoindre, devenir capable de faire l’éducation de mes filles, n’aurais-je pas, pendant toute ma vie, une ample et douce récompense du sacrifice de quelques années ? Ah ! je sens tout ce qui me manque, et l’impossibilité où je suis de me le procurer. Je ne suis pourtant pas jalouse de ton bonheur, et j’en jouirais si tu pouvais le sentir en en jouir toi-même. Je prie Dieu, ma chère Zoé, pour qu’il te donne la force et la raison dont tu me parais avoir besoin.