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LETTRE XV.

Élisa à Zoé.

Chabeuil, ce 9 mai 1808.

Je te fâcherai sûrement, ma chère Zoé, en t’avouant que nous avons ri, ma mère et moi, de ta dernière lettre. Ton humeur contre le règlement, bien que plaisamment exprimée, n’est pas moins injuste. Les lois les plus sévères sont nécessaires pour contenir trois cents jeunes filles dans la même maison. Fait-on marcher un régiment sans discipline ? Demande-le à ton père. La dame surveillante a eu parfaitement raison dans l’explication qu’elle t’a donnée de l’utilité des marches régulières lorsque vous passez d’un endroit à un autre. Si l’on permettait d’acheter du fruit ou des confitures, il y aurait une communication perpétuelle entre les élèves et les servantes. Les enfans contracteraient le goût des friandises ; les moins riches éprouveraient des privations : qui sait même si l’on n’aurait pas à gémir d’avoir, par cette indulgence, introduit parmi les élèves le vice le plus honteux ? Une malheureuse petite fille, poussée par la gourmandise, peut se trouver coupable d’un vol avant d’avoir appris à distinguer l’importance de sa faute.