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LETTRE XXXI.

M. le Curé de Fréville à Élisa.

Fréville, ce 7 septembre 1808.

Que la bonté du ciel est grande, ma chère Élisa, de m’avoir accordé de vieux jours pour me rendre témoin de votre bonheur et de celui de mon neveu ! Dieu récompense en vous les vertus de vos estimables parens ; il est le protecteur des familles qui respectent sa sainte loi. Fidèle à l’amitié, votre père risqua ses jours pour sauver à son général une partie de sa fortune ; il y parvint : mais, bientôt après, il périt en défendant son pays. Après sa mort, votre mère, convaincue qu’il n’y avait plus rien qui dût l’attacher à la vie que le soin de ses enfans, se dévoua à la retraite, et destina presque tout son revenu à l’éducation de votre frère. Pour vous, mon Élisa, elle ne put que vous rendre témoin de ses vertus domestiques ; mais elle vous apprit à vivre de peu, sans penser à des jouissances qui deviennent criminelles lorsqu’on ne les obtient qu’en contractant des dettes ; elle vous donna le goût de l’ordre et de la propreté, parure de la médiocrité ; elle forma votre jugement, et hâta le développement de votre raison : tant de vertus